« Diligence » ! Un mot qui « claque » avec sa belle sonorité claire, simultanément chantante et tranchante. Un vocable qui évoque aussi un univers imaginaire peuplé de chevauchées fantastiques. « Une course en diligence devient une aventure, une expédition ; vous partez, il est vrai, mais vous n’êtes pas sûr d’arriver ou de revenir », écrivait au milieu du XIXe siècle l’écrivain et grand voyageur Théophile Gautier. Que serait le Far West sans l’attaque de la diligence ? Mais loin, bien loin, de ces épopées de cape et d’épée en roue libre et à tombeau ouvert, le terme renvoie également à des obligations déontologiques bien précises : un professionnel peut être attaqué faute d’avoir fait des diligences nécessaires. Fouette, cocher !
Un art du soin
Diligence vient du latin diligentia, qui signifie, en premier lieu : le soin, l’attention portée à une chose, l’exactitude. Diligence rime donc avec vigilance, et cette notion s’est parfaitement conservée dans les normes professionnelles qui en appellent à l’esprit de diligence - ennemi déclaré de la négligence. L’autre sens que l’on connaît au mot renvoie plutôt à l’idée de vitesse. Les deux significations ne s’opposent évidemment pas. On peut agir vite et bien, exécuter avec soin et précision une action menée tambour battant ou instruire un dossier avec une célérité qui n’a d’égale que sa rigueur.
Dans le langage commun, c’est plutôt l’idée de réactivité qui l’emporte. Ainsi, si vous demandez dans un mail qu’on vous réponde avec diligence, vous souhaitez que la réponse non seulement soit de qualité et satisfasse votre attente mais aussi, mais d’abord, qu’elle ne tarde pas. Promptitude est ici le maître mot, même si l’exactitude n’est pas la cinquième roue de la diligence. Et cette rapidité d’exécution fait penser une fois encore au véhicule tiré par les chevaux et allant à toute la vitesse permise jadis par la traction animale.
Or, faire preuve de diligence ne signifie pas forcément qu’on s’est dépêché mais qu’on s’est mis en devoir d’atteindre tel ou tel but sans avoir l’œil braqué sur le chronomètre. Hâte-toi lentement, disaient les Romains. Un adage qui peut avoir valeur de principe et de cadre de référence dans l’instruction de certains dossiers complexes.
Le CAC, un professionnel diligent par excellence (et avec excellence)
C’est cette dimension de devoir qui nous intéresse maintenant. Elle tient les rênes de l’équipage déontologique qu’est la diligence du commissaire aux comptes. Surtout quand la diligence est réputée due, c’est-à-dire à la fois raisonnable, appropriée, convenable, et finalement obligatoire et incontournable : c’est la fameuse due diligence, ou en abrégé « due dil », ou encore « DD » en raccourci acronymique. A tout deal, ses due dil !
Le concept désigne, on le sait, l'ensemble des vérifications auxquelles un acquéreur ou un investisseur doit procéder avant de conclure une transaction, afin d’avoir une idée précise de la situation de l’entreprise, des risques auxquels elle est exposée, de ses conditions d’exploitation, de sa valeur ... Les due diligence ou « diligences raisonnables » invitent à la vigilance et à la prudence et imposent de procéder à des vérifications soigneuses, studieuses, méticuleuses. Mais pas hâtives. Au contraire ! La précipitation irait contre la « raison » de ces diligences dites raisonnables ou convenables.
Les « DD » ou audits d’acquisition constituent l’un des grands domaines d’intervention des CAC. Cependant, le champ d’application de la diligence dans l’univers des auditeurs va au-delà de ces seules analyses et compétences, aussi capitales soient-elles. C’est une éthique, un esprit, une attitude.
Il est en effet remarquable de constater que le mot diligence est mentionné plus de 10 fois dans le code de déontologie. L’article 7, qui lui est consacré, stipule que le CAC « doit faire preuve de conscience professionnelle, laquelle consiste à exercer chaque mission ou prestation avec diligence et à y consacrer le soin approprié. » Le soin, encore et toujours ! Le soin, l’attention, la minutie, conjugués à la conscience professionnelle, à l’esprit d’indépendance et bien entendu à de fortes compétences.
Par ailleurs, il est établi (article 12) que la rémunération du CAC doit être « en rapport avec l’importance des diligences à mettre en œuvre. » Bref, pour rouler carrosse, il faut … beaucoup de diligences. Fouette, cocher !