Livrons-nous à un très rapide tour d’horizon de l’actualité française et étrangère :
Dans l’épineux dossier du rachat de Suez par Veolia, le ministre de l’économie Bruno Le Maire l’assure : « L’Etat fera preuve d’équité et d’impartialité ». Deux notions presque synonymes, ou qui en tout cas présentent un profond lien de parenté morale et politique.
Une crise internationale fait rage entre deux pays du Caucase ? Le locataire du Quai d’Orsay le proclame : « La France restera impartiale. »
Dans une affaire judiciaire récente concernant une haute personnalité de la République, il se dit qu’un magistrat aurait pu s’écarter de son devoir de neutralité et d’impartialité. Haro !
Franchissant la Manche, on apprend, par la voix de son nouveau directeur général, que la BBC n’hésitera pas à sévir contre les salariés du groupe audiovisuel public britannique manquant d’impartialité.
Valeur-clé, donc, que l’impartialité ! Celle de l’Etat et de ses serviteurs contribue à assurer la qualité et l’efficacité de l’action publique. Celle des magistrats est indispensable à la bonne administration de la justice dans la sérénité et le respect des droits de la défense. Celle des journalistes n’est pas moins nécessaire à l’élaboration d’une information rigoureuse, vérifiée et dénuée de parti pris : ni partiale, ni partielle !
Eloge de la neutralité
Au même titre que l’indépendance, dont elle est une valeur très proche, l’impartialité constitue un élément essentiel de la confiance du public, qu’il s’agisse de la justice, de la parole et de l’action des gouvernants – si souvent accusés d’orienter leurs décisions en fonction de considérations ne relevant pas de l’intérêt général -, des médias – si fréquemment soupçonnés de tordre les faits -, des prises de position des experts, etc.
L’impartialité, dans l’exercice de fonctions juridictionnelles, oblige ceux qui rendent des décisions à le faire précisément dans un esprit de justice, c’est-à-dire en s’affranchissant de tout préjugé et parti pris.
Autrement dit, ils ne doivent jamais se prononcer en fonction de leurs opinions, de leurs convictions personnelles et de leurs éventuels engagements politiques. Mais seulement au nom de la vérité, sur la base de leur « intime conviction » (relativement à la culpabilité ou non du prévenu), dans le strict cadre du droit, et après avoir pris en compte tous les points de vue débattus devant eux dans le respect du principe du contradictoire. Sinon règne l’arbitraire.
Quelle beauté, quelle grandeur, quelle force agissante dans l’aspiration à l’impartialité ! De Gaulle dénonçait « l’esprit de parti » qui rongeait l’action publique sous la Troisième et la Quatrième République et il en appelait à un Etat impartial, exemplaire, intègre, puissant et par-dessus tout « au-dessus des partis ».
Un siècle auparavant, Madame de Staël, la fille d’un ministre des finances de Louis XVI (Necker), s’écriait : « L'esprit de parti tient lieu de fanatisme et de foi. Il s'empare de vous comme une espèce de dictature, qui fait taire les autorités de la raison et du sentiment. » Propos actuel s’il en est …
La bonne (et positive) attitude du CAC
Ce n’est donc pas sans raison si l’impartialité compte au nombre des valeurs cardinales de la profession du chiffre. Le Code de déontologie la met à l’honneur juste après un article sur l’intégrité et avant un autre relatif à l’indépendance et à la prévention des conflits d’intérêt.
Relisons ces mots si bien ciselés :
Article 4 - Impartialité - Dans l’exercice de son activité professionnelle, le commissaire aux comptes conserve en toutes circonstances une attitude impartiale. Il fonde ses conclusions et ses jugements sur une analyse objective de l’ensemble des données dont il a connaissance, sans préjugé ni parti pris. Il évite toute situation qui l’exposerait à des influences susceptibles de porter atteinte à son impartialité.
Tout est dit. Le CAC a un devoir d’objectivité. Il doit lutter contre tout préjugé susceptible de fausser ses jugements, d’entacher ses analyses, de vicier ses conclusions. Dans sa feuille de route : rigueur de pensée et de comportement, hygiène d’un intellect qu’aucun biais cognitif ou affectif ne doit venir encombrer, esprit d’équilibre et de mesure en toutes circonstances.
Et si l’impartialité était l’autre nom de la liberté professionnelle du CAC ? Entre exigence technique pure de toute influence « toxique », et quête de l’idéal d’honnête homme (ou femme !) au-dessus de la mêlée, des intérêts particuliers et des considérations partisanes, l’auditeur est réputé être l’ennemi de toute partialité dans ses travaux. Son seul parti pris légitime ? Celui de la vérité des chiffres et des faits. Impartialité, intégrité, vérité !
Olivier Salustro,
Président de la CRCC de Paris