Les entreprises seront-elles assez résilientes pour surmonter la crise sans précédent qui frappe le monde ? La société française déploiera-t-elle au mieux cette si précieuse capacité à endurer une épreuve majeure ? Comment aider entreprises, institutions et individus à cultiver cette force vitale qu’est la résilience ?
Questions fondamentales et d’une actualité brûlante ! Mais que recouvre ce mot qui connaît aujourd’hui un formidable écho dans le débat public ?
Le succès d’un mot à toute épreuve
Vous l’entendez tous les jours, vous le prononcez, vous l’écrivez peut-être aussi avec une haute fréquence. Le terme résilience s’est emparé peu à peu de toutes les sphères de l’activité humaine. L’économie, les banques, les villes, les écosystèmes naturels, etc. : autant d’univers potentiellement résilients.
Cette aptitude à surmonter une crise, une catastrophe, un traumatisme, et à se reconstruire dans un environnement défavorable, constitue évidemment une force considérable pour les individus et les communautés.
La crise sanitaire que nous traversons n’a fait qu’accroître encore la fortune sémantique de ce mot, au point que l’opération de lutte contre le coronavirus, annoncée à Mulhouse par le président de la République fin mars, a été baptisée … « Résilience ».
Mais à l’origine, sa signification était plus limitée, circonscrite au vocabulaire de la psychiatrie … et à celui de la physique des matériaux.
Dans le premier cas, la résilience désignait la capacité d’un individu à survivre à un trauma, à rebondir, à aller de l’avant et à aller mieux une fois l’épreuve passée, bref à se reconstruire après un choc affectif.
Dans le second cas, la signification est très différente puisque la résilience désigne la capacité d’un matériau à reprendre sa forme initiale après une déformation, autrement dit à redevenir comme avant.
L’usage du mot dans sa première acception a pris racine aux Etats-Unis dans les années 1950 et s’est popularisé en France grâce aux travaux de psychiatres renommés tels que Boris Cyrulnik ou Serge Tisseron. Ils l’ont utilisé pour décrire la faculté de l’être humain à faire face à des chocs traumatiques et autres mauvais coups de l’existence et à s’en servir pour devenir plus résistant. « Ce qui ne tue pas rend plus fort », disait Nietzsche, résumant en une assertion proverbiale la philosophie de la résilience.
CAC et résilience économique
Dans la mesure où la résilience est à la fois un trait de caractère, un apprentissage personnel et une particularité d’un système donné (en matière bancaire, par exemple, les « stress tests » révèlent la résilience supposée des établissements testés et ce n’est évidemment pas affaire de psychologie ou de « mental »), difficile de dire si une communauté professionnelle fait preuve de plus de résilience que d’autres.
Néanmoins, si l’on définit la résilience à l’angle de l’adaptabilité, de la compréhension de son environnement ou encore de la capacité à trouver des réponses à une difficulté donnée, il est certain que la profession de commissaire aux comptes possède d’incontestables ressources en la matière !
Résiliente, endurante, patiente, elle l’a toujours été et le demeure dans ces temps de bouleversements économiques et politiques qui, bien avant le cataclysme de l’actuelle crise sanitaire, l’ont mise à rude épreuve à cause de réformes défavorables et de mesures contraires à ses intérêts.
Mais l’honneur de la profession n’est-il pas de savoir faire front dans la tempête et d’aider les entreprises qu’elle accompagne à passer ces moments de grand danger tels que celui que le monde et la France affrontent en ce moment ?
Et n’est-il pas évident que les CAC permettent aux entreprises d’être plus résilientes ? Sens de l’anticipation, prévention des difficultés, détection des signes avant-coureurs d’une crise pour l’entreprise, assistance à la survie financière et à la continuation de son activité, invention de solutions innovantes à grande échelle face à une crise inédite (comme la procédure d’alerte générale Covid-19) : autant de manifestations d’un « esprit de résilience » des auditeurs, au service de l’intérêt général.
La résilience est un remède à l’abattement et un encouragement à l’innovation. Cultivons-la sans modération. Cette force de vie rime avec bienveillance et confiance. Aux antipodes du désespoir ou de la résignation, elle pousse à agir, à tirer les leçons des erreurs passées, à construire un monde meilleur. Clairvoyance, conscience, résilience.
Olivier Salustro,
Président de la CRCC de Paris