L’entreprise est enfin reconnue comme participant à l’intérêt général. Loi Pacte aidant, c’est un changement de paradigme pour les acteurs économiques et pour la société tout entière.
D’aucuns voient dans l’affirmation de la raison d’être et la reconnaissance de la mission sociétale des entreprises – qu’elles soient « à mission » ou non - une simple mode, un engouement passager, un jeu habile de postures marketing et de déclarations de principe rarement suivies d’effet.
Ils se trompent.
Car il s’agit d’une révolution dans la compréhension du rôle et de la place de l’entreprise dans la société. Aux yeux du plus grand nombre, sa contribution à la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux devient légitime, naturelle, indispensable.
A elle aussi, et pas uniquement aux acteurs publics ou non gouvernementaux, de relever les grands défis climatiques et de solidarité de notre temps ! Et de « muscler » de façon résolue et cohérente l’impact positif de son activité, en transformant si besoin certains business et certaines pratiques incompatibles avec cette ambition, notamment en matière de transition écologique, d’égalité des sexes, de diversité, etc.
Le leadership de l’éthique
Cette évolution irréversible, qui répond à de nouvelles exigences du citoyen et du consommateur, met en lumière la dimension éthique des organisations économiques.
Ces dernières doivent mériter plus que jamais leur qualificatif de « personnes morales ». Créer de la valeur ne suffit plus : il faut aussi avoir des valeurs. Au-delà de buts lucratifs, place au bien commun, à l’avantage social, au mieux-être environnemental. Et à la réhabilitation de la notion de progrès, d’une portée sans doute plus riche que celle d’innovation.
Autrement dit, il s’agit de faire converger toujours davantage intérêt propre de l’entreprise et intérêt général. Lequel s’appuie notamment sur la sécurité économique, la confiance dans l’action des dirigeants, le crédit accordé aux professionnels qui se prononcent sur la santé des entreprises, la solidité de leurs comptes, la qualité et le sérieux de leurs indicateurs RSE …. Et il est clair que les CAC ont un rôle majeur et spécifique à jouer dans la révolution de la mission sociétale et de la raison d’être des entreprises !
La raison d’être d’une profession au service et au cœur de l’éthique
La défense de l'intérêt général constitue la valeur cardinale du commissariat aux comptes. Quant à l’éthique, elle l’irrigue de part en part, qu’il s’agisse de sa déontologie, de son indépendance, de son apport à la transparence de l’économie, et bien sûr de son statut de tiers de confiance appelé notamment à attester la sincérité - valeur morale par excellence ! - des comptes de l’entreprise.
Parce que l’éthique est inscrite dans l’ADN de la profession de commissaire aux comptes, cette dernière est plus que jamais dans l’air du temps et occupe une position privilégiée dans la réflexion sur le sens et l’utilité sociale des entreprises, même si la loi Pacte a paradoxalement consacré la raison d’être et réduit inopportunément le champ d’intervention des auditeurs dans les PME.
N’est-ce pas là une puissante invitation à repenser son rôle et sa propre raison d’être à l’aune des mutations en cours, juridiques et économiques mais aussi éthiques et comportementales ?
Raison d’être et IA
Remettre l’éthique au cœur du business et de tous les types de business : une problématique centrale pour notre temps ! Surtout à l’heure où la technologie soulève tant de questions d’ordre éthique, qu’il s’agisse de la maîtrise et de l’utilisation des données personnelles, de la lutte contre les biais des algorithmes ou encore de la place de l’individu dans des outils et systèmes d’intelligence artificielle venant se substituer progressivement à l’initiative humaine.
On peut imaginer que le CAC, auréolé d’une fonction nouvelle de commissaire aux algorithmes, deviendra un garant de la confiance numérique et, ce faisant, un protecteur des libertés individuelles.
A l’ère de l’IA, une raison d’être « augmentée » s’esquisse peut-être pour lui, conjuguant expertise technique et souci de l’humain au service d’une économie socialement plus performante.
Tout milite pour l’affirmation et la reconnaissance de cette raison d’être du CAC, une raison d’être en prise avec les grands défis de notre temps, compréhensible par tous, et pleine d’avenir !
Olivier Salustro,
Président de la CRCC de Paris